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1 septembre 2006

PASSERELLE

Source : lemonde.fr

Nous reprenons volontiers le texte de l'historien Georges Bensoussan, paru dans le quotidien  LE MONDE daté du 1er septembre et sur sa version web, en ligne le 31 août, nous seulement pour sa qualité éditorirale, mais aussi pour la justesse des arguments qui sont émis. On doit à Georges Bensoussan, une volumineuse et passionnante étude sur le Sionisme, aux Editions Fayard. Et c'est en parfait connaisseur de ce mouvement juif du XIXè siècle, qui conduisit, près d'un siècle plus tard, à la création de l'Etat d'Israël, que Georges Bensoussan apporte sa contribution instructive au débat qui revient à la suite de chaque conflit entre Israël et  les Palestiniens, Israël et ses pays voisins. Le seul débat, en France, qui remet en cause, l'existence d'un Etat pourtant reconnu par la majeur partie de la Société des nations et exemplaire de démocratie. Un état juif, de surcroit. Le cancer, en somme, qu'il faut extirper! Certains même rêvant déjà, pourquoi pas, d'une nouvelle Shoah.      

Bernard Koch

Une petite musique de mort,

par Georges Bensoussan*

Aux jeunes d'aujourd'hui, le conflit du Proche-Orient paraît éternel. Il leur semble qu'avant 1967 (bientôt quarante ans...), la paix régnait dans la région jusqu'à ce que la guerre de six jours (juin 1967) vienne y mettre un terme en détruisant au passage l'Etat palestinien qu'ils imaginent établi en Cisjordanie et à Gaza. Ce brouet d'ignorance nourrit une doxa qui a fait de ce conflit le coeur du monde, à l'instar des prophéties apocalyptiques qui, jadis, situaient à Jérusalem la rédemption de l'humanité.

A ceux-là, il sera difficile d'entendre la petite musique de mort qui monte à pas feutrés depuis des années et semble redoubler de vigueur cet été. Elle nous dit que "l'Etat créé en 1948" est à l'origine de "tous les problèmes de la région". Voire au-delà. D'autres parlent d'une "anomalie historique" appelée à disparaître. En France, par exemple, dans les sphères dirigeantes de l'Etat : Dominique de Villepin, alors secrétaire général de l'Elysée, se demandait en 2001 si, au regard du temps long de l'Histoire, Israël était plus qu'une péripétie ; ou au Quai d'Orsay : un ambassadeur de France qualifiait récemment Israël de "petit Etat de merde".

Etape par étape, la petite musique de mort délégitime l'Etat en trop sur la terre. Elle nous dit qu'il fut fondé en 1948 (ex nihilo ?), "conséquence" de la Shoah, compensation offerte aux Juifs par l'Europe sur le dos des Arabes. En oubliant que les structures de l'Etat d'Israël étaient en place avant 1940, depuis le système de santé (1920) et la centrale syndicale Histadrout (1920) jusqu'au réseau de transports publics (1935) ; depuis le premier lycée hébraïque (1906) jusqu'à l'université du même nom (1925) ; depuis la force de défense (Haganah, 1920) jusqu'à la radio nationale (1934) ; et que la "colonie" de Tel-Aviv (1909) a déjà presque un siècle d'existence. Elle fait oublier, la petite musique, qu'à l'origine de cette violence sans fin est le refus sans fin de l'Etat juif. Elle masque que la réponse militaire "disproportionnée" fait écho à la négation disproportionnée du droit de vivre. Le Hezbollah, et derrière lui la "rue arabe", parle d'"entité usurpatrice" et d'"Etat transitoire", ignore Israël sur les atlas locaux et désigne les villes de l'Etat juif comme des "colonies".

Tout se négocie sauf le droit d'exister. Si les armes des milices se taisent, la violence cessera. Si celles d'Israël renoncent à la disproportion, c'en sera fini de l'Etat d'Israël. A cette disproportion des enjeux, beaucoup, en Occident, restent sourds. Comme jadis les "compagnons de route" avaient été sourds face à la catastrophe soviétique. Comme auparavant les Munichois avaient été sourds quand, pour "sauver la paix", il s'agissait de sacrifier les petits. Les voici donc qui reprennent à mi-voix la petite musique de mort, celle qui permet de faire oublier que le refus de l'existence d'Israël, de quelque façon qu'on l'habille, à la mode nassérienne, baasiste ou hezbollesque, constitue la genèse de la violence.

D'ailleurs, il suffit que l'armée israélienne faiblisse et que les centres urbains de l'Etat juif soient touchés, pour que l'apparente acceptation du fait israélien vole en éclats. Alors, la rue reprend le dessus, et avec elle la populace qui hurle au sang. En Orient, nul n'ignore les appels au massacre qui sont proférés. En Occident, on préfère pudiquement les ignorer, y voyant seulement du "lyrisme oriental", des "outrances verbales", en dépit des mises en garde répétées. Le désir de meurtre envers Israël est le seul "aphrodisiaque" toléré (dixit feu le roi du Maroc Hassan II) d'un monde arabe qui, avec l'Afrique noire, demeure la zone la plus régressive de la planète (en 2004, il ne se traduisait pas plus de livres dans ce vaste ensemble que dans un petit pays comme la Grèce).

"Détruire Israël", disent-ils. Et il s'agirait d'une figure de rhétorique ? Depuis des siècles, les figures de rhétorique dégoulinent du sang des autres. C'est un appel au génocide, explicite ici, subliminal là, que susurre la petite musique de mort. Et des millions d'"idiots utiles" la reprennent en Occident, inconscients des enjeux, aveuglés par l'illusion d'une force militaire qui n'aura qu'un temps.

Il y a plus de quarante ans déjà que Hannah Arendt écrivait à une amie (11 juin 1963) : "Je sais, ou je crois savoir que si une catastrophe devait atteindre cet Etat juif, pour quelque raison que ce soit (et même s'il s'agissait de sa propre folie), ce serait sans doute la catastrophe finale pour le peuple juif tout entier, quelles que puissent être alors les opinions de chacun d'entre nous."

*Georges Bensoussan, professeur d'histoire et responsable éditorial du Mémorial de la Shoah (Paris), est l'auteur d'Europe, une passion génocidaire (éd. Mille et une nuits, 464 p., 20 €).

 

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